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DIMANCHE 27 AVRIL 2025 - 2° Dimanche de Pâques Homélie sur Jean 20 , 19-31 l’ incrédulité de saint Thomas

Jésus ressuscité apparaît à ses Apôtres. Jusqu’à l’Ascension, il va continuer à les instruire, à les préparer pour les envoyer en mission. Aujourd’hui, c’est l’attitude de saint Thomas qui lui permet de donner aux Apôtres, et à nous aussi par le fait même, un bel enseignement sur la foi.


Nous connaissons bien l’épisode : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous … non, je ne croirai pas ! ».

Mais que pensons-nous, au fond, de saint Thomas ? Est-il un exemple à imiter, un homme prudent qui accepte de s’engager mais pas à la légère ? Ou bien est-il un homme obtus qui ne comprend rien à rien ? Est-il un cœur droit qui n’attend qu’un signe pour se donner, ou bien est-il une forte tête enfermée dans son esprit de contradiction ?


L’incrédulité de Thomas, c’est un peu la tentation de l’enfant gâté. Nous en connaissons tous, des enfants gâtés, des enfants qui veulent faire passer leurs parents par tous leurs caprices. Quand on entend Thomas déclarer : « Je veux bien admettre que Jésus est ressuscité, mais à condition que je mette mon doigt à l’endroit des clous », on croirait entendre Jonathan, Kevin, Eulalie ou Zoé ou n’importe lequel de nos petits anges qui nous déclare : « Je veux bien ranger ma chambre, mais à condition que je regarde la télé jusqu’à dix heures ce soir ».

Et pourtant Jésus ne reproche rien à Thomas. Au contraire, il lui cède : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains … » C’est que Thomas n’est pas un mauvais bougre : dès que Jésus lui apparaît, il capitule sans conditions : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Et c’est une grande leçon, pour Thomas et pour nous.


L’incrédulité de Thomas, elle nous montre que la foi n’est pas du tout une exaltation mystique, une crédulité qui s’enflammerait à partir de racontars incontrôlés. Non : la foi, c’est une expérience directe de la réalité de Jésus ressuscité.

Mais la foi n’est pas non plus une science expérimentale. L’Evangile ne précise pas si Thomas a vraiment mis son doigt à l’endroit des clous ; d’ailleurs, qu’il l’ait fait ou non, Jésus met les choses au point : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ».


La foi, c’est une certitude intime, qui vient d’une rencontre personnelle avec Jésus.

Déjà sur le plan humain, nos rapports avec les personnes que nous connaissons supposent toujours une certaine foi : on accorde confiance à quelqu’un quand on a eu les signes qu’il est raisonnable de le faire. On ne pourrait pas vivre si on n’acceptait jamais de faire confiance aux gens, et d’ailleurs cela nous paraît naturel. Si j’ai eu l’occasion de constater que mon ami est honnête, je n’aurai pas peur de lui prêter mon portefeuille.


La foi chrétienne, c’est la même chose, mais sur un plan supérieur. Il est raisonnable d’accorder notre confiance à Jésus, et le signe que c’est raisonnable, c’est sa vie, sa mort et sa Résurrection.

Pour les Apôtres, le signe était immédiat, puisqu’ils ont vécu avec Jésus et qu’ils l’ont vu ressuscité.

Pour nous, nous avons d’abord le témoignage des Apôtres et des premiers disciples, le témoignage de l’Evangile et de l’Eglise. Mais nous avons aussi un témoignage intérieur, parce que même si nous ne voyons pas Jésus avec nos yeux, nous ne sommes pas privés de contact avec lui. Si nous avons le cœur droit, il vient à notre rencontre, on le pressent, on le devine, notre cœur sent sa présence. Cela ne sera peut-être perçu que confusément au départ, mais si on accepte de répondre à l’appel de la grâce, on progresse dans la connaissance et dans l’intimité de Jésus, on progresse dans la foi.


La foi, c’est comme la connaissance qu’on a d’un ami, et comme la confiance qu’on lui donne : ce n’est pas une connaissance expérimentale qui se démontrerait par des preuves irréfutables, mais c’est raisonnable parce que c’est fondé sur quelque chose de sûr.

La foi pourtant est plus exigeante qu’une amitié, parce qu’elle suppose un dépassement : la foi ne s’adresse pas à une personne qu’on peut voir et toucher, mais à Jésus qu’on sait vivant mais qui est invisible. Ce n’est pas si facile, et c’est là que saint Thomas a trébuché.


Pour pouvoir faire ce dépassement qu’exige la foi, il faut une bonne dose de simplicité et de confiance.

L’égoïsme est un obstacle à la foi, car il nous replie sur nous-mêmes et nous empêche d’entendre Jésus qui parle à notre cœur.

L’orgueil est un obstacle à la foi, car quand on a trop bonne opinion de soi-même et de ses capacités, on se ferme à ce qui nous dépasse, et il nous est bien difficile d’admettre ce qui est plus grand que nous.

C’est la simplicité et la confiance qu’il nous faut, pour savoir reconnaître Jésus, et pour lui répondre par une adhésion libre et joyeuse qui nous permettra d’entrer en relation et en communion avec lui.


Saint Thomas s’est magnifiquement rattrapé : il avait refusé le témoignage des autres Apôtres, qui était le premier signe que lui adressait Jésus, mais au second appel de la grâce il se donne tout entier : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Comment se fait-il alors que c’est à ce moment précis où Thomas proclame sa foi, que Jésus lui adresse un reproche, reproche affectueux mais reproche quand même : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu » ?


Pourquoi ce reproche ? C’est que Thomas a bien entendu les deux appels de la grâce : le témoignage des autres Apôtres et la rencontre avec le Ressuscité, mais qu’il n’a répondu qu’au second. Or les deux sont nécessaires, ils se complètent : la foi est une démarche personnelle, mais qui doit s’appuyer sur le témoignage de la communauté des croyants.


Si notre foi ne reposait que sur notre expérience intérieure personnelle, elle ne serait qu’une foi infirme, fragile, fluctuante, une foi sans contenu assuré. Elle serait comme un pont interrompu au milieu d’un fleuve : il tend bien vers la rive d’en face, mais il n’arrive pas à la rejoindre.

La foi en Jésus ressuscité, elle ne peut être véritable et assurée que si elle accueille le témoignage de ceux à qui Jésus s’est révélé et à qui il a transmis son enseignement. Notre expérience personnelle, elle est forcément limitée, partielle, insuffisante, sujette à caution du fait de nos limites personnelles ; elle a besoin d’être soutenue par le témoignage de l’Eglise universelle, d’être éclairée par l’enseignement de l’Eglise. La foi contient bien davantage que ce que notre expérience personnelle seule pourrait nous montrer, et le seul moyen d’épanouir notre foi, de l’authentifier et d’en recevoir l’héritage le plus large, c’est d’accueillir l’enseignement de l’Eglise, qui nous transmet la foi des Apôtres et l’enseignement qu’ils ont reçu de Jésus.


Il y a un double mouvement dans la foi : croire, c’est à la fois aimer et connaître. On peut dire qu’aimer relève davantage de l’expérience personnelle, et connaître relève davantage de l’enseignement reçu en Eglise ; mais ces deux mouvements ne vont pas l’un sans l’autre, et ils se renforcent mutuellement. Quand on aime davantage, on a soif de connaître davantage ; et quand on connaît davantage on découvre qu’il y a davantage à aimer. Une foi véritable, une foi équilibrée, vit et progresse sur ces deux tableaux en même temps : la connaissance et l’amour de Jésus ressuscité.


C’est cette leçon que je vous propose de retenir aujourd’hui, à partir de l’incrédulité de saint Thomas. Notre foi, c’est bien notre expérience personnelle de Jésus ressuscité, mais une expérience appuyée sur le témoignage des Apôtres, éclairée, confortée et authentifiée par l’Église. La foi d’un chrétien, à moins d’être une illusion, une contrefaçon ou un phénomène pathologique, elle ne peut pas être autre chose que la foi de l’Église. « Nul ne peut avoir Dieu pour Père, qui n’a pas l’Eglise pour mère » disait saint Cyprien.


Et ce que nous dit notre foi, c’est que si nous nous attachons à Jésus ressuscité, nous progresserons dans son amitié, et il nous fera participer à sa Résurrection pour nous introduire un jour dans la vie bienheureuse auprès du Père, où nous serons avec lui pour l’éternité. Voilà le sens du mystère pascal que nous célébrons depuis une semaine, et voilà notre foi. Amen.

 
 
 

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