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DIMANCHE 13 JUILLET 2025 15° Dimanche du Temps Ordinaire Année C Homélie sur Luc 10 , 25 – 37 la parabole du Bon Samaritain

  1. Connaissez-vous les poupées russes ? Vous avez devant vous une figurine en bois tournée, peinte pour représenter un personnage. En la regardant de près, vous constatez qu'elle peut s'ouvrir. A l'intérieur, vous découvrez un autre personnage, tout à fait semblable mais un peu plus petit. Lui aussi, il peut s'ouvrir, et vous découvrez qu'il y en a beaucoup, cinq ou dix, ou même davantage, de plus en plus petits, emboîtés les uns dans les autres. Ce sont les poupées russes.


Eh bien, la parabole du Bon Samaritain, que nous venons d'entendre proclamer dans l'Evangile, elle est un peu comme une poupée russe. Si on l'écoute distraitement, elle paraît tout à fait simple. Si on est plus attentif, on va y découvrir un sens un peu plus profond. En allant plus loin, on constate qu'elle peut aussi se lire à un troisième niveau. Et ce n'est pas fini.

Essayons d'ouvrir quelques-unes de ces poupées russes.


Première poupée.


« Un Samaritain, qui était en voyage », vient au secours d'un blessé étendu au bord de la route. Nous y voyons une exhortation à venir en aide aux personnes qui sont dans le besoin. C'est un des grands principes de la morale universelle ; c'est un principe qu'il est utile de rappeler à l'occasion, parce que nous pourrions parfois être tentés de l'oublier. Par exemple, est-ce que nous savons voir sur le bord du chemin les blessés de la crise économique, les blessés des injustices de notre société, ou bien est-ce que cela nous dérangerait de voir leur détresse et de nous en soucier ?

A la question du docteur de la Loi : « Et qui donc est mon prochain ? », voici donc une première réponse : mon prochain, celui que je dois aimer comme moi-même, c'est celui qui a besoin de moi. « Va, et toi aussi, fais de même », déclare Jésus au docteur de la Loi : nous serons le prochain de l'autre si nous sommes capables de nous approcher de lui avec bonté, si notre cœur ne reste pas fermé devant lui.


Seconde poupée.


La question : « Et qui donc est mon prochain ? », en fait, elle demande davantage que cette première réponse, parce que, à l'époque, elle était débattue parmi les Juifs. L'Ancien Testament, qui prescrit « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lévitique 19, 18), envisage comme « prochains » les Juifs uniquement, et pas les étrangers (cf. Lévitique 19, 11.15). A l'époque de Jésus, certains Juifs restreignent encore davantage le prochain à être seulement, à l'intérieur du peuple juif, le membre du même groupe social, ou du même clan religieux. Alors, mon prochain, qui est-ce ?

Jésus précise que le voyageur secourable est un Samaritain. Les Juifs et les Samaritains se détestent entre eux. Jésus veut montrer par là que le commandement de l'amour du prochain, il ne s'applique pas seulement aux membres de notre clan, ni même aux membres du peuple juif, mais il va bien au-delà, il va au-delà des barrières que les hommes ont dressées entre eux.

Ce n'est pas une idée entièrement nouvelle, parce que déjà avant Jésus les prophètes avaient proclamé que l'amour de Dieu s'étend à tous les hommes sans distinction (cf. Sagesse 11, 24. Ezéchiel 18, 23. cf. 1 Timothée 2, 4 ; 4, 10) ; mais les Juifs, dans leur ensemble, refusaient de l'admettre. En montrant un Samaritain qui fait preuve de bonté envers un Juif blessé, Jésus montre fortement que l'amour de Dieu et l'amour du prochain ne connaissent pas de limites.

Nous rejoignons là le commandement de Jésus : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (Matthieu 5, 44), qui est l'un des grands principes de la vie chrétienne … et qu'il n'est pas inutile de rappeler, parce que nous avons une tendance naturelle à reconstruire toujours les barrières que l'amour de Dieu devrait faire tomber, nous avons une tendance naturelle à restreindre l'amour du prochain à ceux qu'il nous est plus facile d'aimer. Jésus nous dit que nous n'avons pas à classer les gens pour savoir qui est notre prochain et qui ne l'est pas, mais que chacun de nous doit devenir le prochain de chaque personne qu’il rencontre.


Troisième poupée.


Ce n'est peut-être pas par hasard que Jésus signale que le premier voyageur qui passe sans s'arrêter est un prêtre, et le second un lévite. Dans la religion juive de l'époque, les prêtres, qui sont les descendants d'Aaron, sont chargés d'assurer le culte rendu à Dieu au Temple de Jérusalem, et les lévites, qui sont les descendants de Lévi, sont chargés de toutes les fonctions subalternes au Temple. Jésus dénonce souvent l'hypocrisie des scribes et des Pharisiens, qui prétendent être des hommes religieux, mais qui s'enferment dans les pratiques rituelles de la religion, et méprisent et délaissent le reste du monde (cf. Matthieu 15, 1-9). Peut-être Jésus adresse-t-il ici le même reproche aux prêtres et aux lévites, ceux qui devraient être les plus proches de Dieu, mais dont les pratiques religieuses trop formalistes ont parfois desséché le cœur. Il ne sert à rien d'aimer Dieu au Temple dans le culte, si on ne l'aime pas sur la route dans la personne de notre prochain.

Là encore, nous pourrions peut-être nous reconnaître dans le prêtre ou le lévite : est-ce que notre bonne conscience de croyants et de pratiquants ne nous rend jamais aveugles à la détresse de certains de nos frères ?


Quatrième poupée.


La vie du peuple juif est régie par la Loi de Moïse, qui accorde une très grande importance aux questions de pureté rituelle : la pureté nécessaire pour plaire à Dieu, elle se procure par des rites, et elle se perd par le simple contact avec des choses ou des êtres considérés comme impurs.

Si quelqu'un, notamment, touche un mort ou un mourant, il contracte une impureté rituelle, et il restera impur durant sept jours avant de pouvoir pratiquer les rites de purification (cf. Nombres 19, 11). C'est peut-être pour cela que le prêtre et le lévite, voyant l'homme « à moitié mort », passent « de l'autre côté », ils changent de trottoir pour ne pas s'en approcher. Le lévite, voyageant vers Jérusalem pour y prendre son tour de service au Temple, ne serait plus en état d'accomplir son service s'il s'approchait du blessé (cf. Nombres 19, 13) ; et le prêtre, étant consacré au service du culte, n'a même pas le droit de risquer de contracter ce type d'impureté (cf. Lévitique 21, 1).

Jésus montre par là que la Loi de Moïse, qui est bonne puisqu'elle aide le peuple juif à se rapprocher de Dieu, est encore imparfaite puisque, dans ce cas, elle empêche de mettre en application la loi de l'amour du prochain. Là encore, ce n'est pas une idée entièrement nouvelle, puisque les prophètes déjà avaient préparé le chemin pour l'Evangile en déclarant que c'est dans le péché que réside la source de l'impureté (cf. Osée 6, 6), mais c'est un point sur lequel Jésus insiste souvent. L'impureté légale, l'impureté rituelle, elle est beaucoup moins grave que l'impureté morale, qui est la seule qui compte vraiment : « Rien de qui est extérieur à l'homme et qui pénètre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui rend l'homme impur » (Marc 7, 14).

En donnant le Samaritain en exemple, Jésus annonce de manière voilée que la loi de l'amour doit l'emporter sur la Loi de Moïse, Jésus annonce que la Loi de l'Evangile va remplacer la Loi de Moïse.


Cinquième poupée.


Le Bon Samaritain, on peut le voir comme une figure de Jésus.

« Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ». Ce voyageur représente l'homme, toute l'humanité. Il avait quitté Jérusalem, c'est-à-dire le Paradis terrestre, après la faute d'Adam, et il descendait vers Jéricho, c'est-à-dire qu'il était en chemin sur Terre. La route de Jérusalem à Jéricho, elle descend effectivement, sur une trentaine de kilomètres, et elle traverse le désert de Juda, qui à l'époque était un repaire de brigands. Les brigands qui assaillent et dépouillent le voyageur, ce sont les attaques du démon ; les blessures qu'ils lui infligent, ce sont les péchés qu'il lui fait commettre. Le prêtre et le lévite représentent l'Ancienne Alliance, la Loi de Moïse, qui est finalement impuissante à secourir l'homme victime du mal et du péché.

« Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ». Ce Samaritain, c'est le Christ, venu sur Terre pour nous sauver, pour sauver toute l'humanité et pour sauver chacun d'entre nous. « Il le vit et fut saisi de compassion. Il s’approcha, et pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui ». Il charge le blessé « sur sa propre monture », c'est-à-dire que, pour nous secourir, Jésus assume notre condition humaine, par l'Incarnation, et prend sur lui nos péchés. L'auberge où il conduit le blessé, c'est l'Eglise ; l'huile et le vin qui guérissent les blessures, ce sont les sacrements. Et le Samaritain qui déclare qu’il repassera à l'auberge s'assurer de la guérison du blessé, c'est le Christ Sauveur qui promet son retour sur Terre à la fin des temps.

Dans la parabole du Bon Samaritain, nous reconnaissons donc l'histoire de notre salut, nous reconnaissons l'action de Dieu qui s'approche de nous et ne nous abandonne jamais.



Au docteur de la Loi qui cite le commandement de Dieu : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même » (Deutéronome 6, 5. Lévitique 19, 18), et qui demande ensuite : « Et qui est mon prochain ? », Jésus répond par la parabole du Bon Samaritain. Cette parabole, elle répond bien à la question, mais, par le jeu des poupées russes, elle va même beaucoup plus loin, en nous éclairant sur le mystère du Christ, sur le mystère de notre salut.

  1. Ce que Jésus dit au docteur de la Loi : « Va, et toi aussi, fais de même », c'est à nous aussi qu'il le dit. Les disciples de Jésus sont appelés à imiter eux aussi le Bon Samaritain qui est l'image de Jésus. Jésus s’est penché sur nous, il est devenu notre serviteur, et de cette façon il nous a sauvés, pour que nous aussi nous puissions participer à la Rédemption, en nous aimant entre nous comme lui, Jésus, nous a aimés. « Va, et toi aussi, fais de même », cela signifie finalement : « Imite-moi, suis-moi ». Suivre Jésus, voilà notre programme de vie chrétienne. Amen.

 
 
 

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