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Dimanche 28 Septembre 2025 25° Dimanche du Temps Ordinaire. Année C Homélie sur Luc 16, 19-31 le riche et le pauvre Lazare

Il y a plusieurs éléments un peu surprenants dans cette parabole du riche et du pauvre Lazare.

. d’abord, c’est la seule parabole de l’Evangile où un personnage porte un nom : Lazare, le pauvre.

. ensuite, Dieu est le grand absent. Dans la plupart des paraboles que nous connaissons bien, il y a toujours l’un des personnages qui représente Dieu : le père du fils prodigue, le maître de l’intendant malhonnête, etc. Ici, apparemment, Dieu ne se trouve nulle part.

.ensuite, si l’un des personnages nous est donné en exemple, ce n’est bien sûr pas le riche, ce serait donc le pauvre Lazare. Mais, alors que la parabole nous parle longuement du riche, Lazare est simplement mentionné : en quoi serait-il un exemple puisqu’il ne dit pas un seul mot et ne fait rien ?

. ensuite, on comprendrait qu’un homme pieux et juste aille au paradis et qu’un homme impie et injuste n’y aille pas, mais on ne sait même pas si Lazare est un homme juste et droit ou si c’est une canaille ; comme on ne le sait pas non plus pour le riche.

. ensuite, dire qu’après la mort les rôles sont inversés, les heureux devenant malheureux et inversement, cela paraît bien trop simpliste.

. et enfin, le paradis et l’enfer nous sont présentés d’une façon imagée, bien sûr, mais quand même bien simpliste aussi.


Pour débrouiller toutes ces questions, il faut nous demander : qu’est-ce que Jésus cherche à nous dire par cette parabole ?

Dans toute la partie de l’Evangile selon saint Luc où se trouve cette parabole, Jésus explique à ses disciples comment mener leur vie ici-bas, il les invite à changer leur vie pour parvenir au Royaume de Dieu ; et c’est d’ailleurs l’objet d’une controverse avec les Pharisiens. Le message de la parabole d’aujourd’hui est le même : elle nous invite à changer de vie, nous disant que pour parvenir au Royaume de Dieu il ne faut pas imiter l’homme riche, et que notre comportement ici-bas est terriblement grave puisqu’il engage notre éternité, notre bonheur ou notre malheur éternel.

Ce serait donc une erreur de conclure de cette parabole que la mort serait une sorte de révolution prolétarienne destinée à punir les riches et à récompenser les pauvres ; le message de Jésus ne se trouve pas du tout là.

De même, il ne faudrait pas y chercher une description précise de ce que sera l’au-delà : Abraham d’un côté, un « lieu de torture » de l’autre, et des échanges possibles ou non par-dessus le « grand abîme » qui les sépare …


On trouve dans les paroles de Jésus quelques pointes à l’encontre des Pharisiens, qui sonnent un peu comme une provocation.

L’homme riche est « vêtu de pourpre et de lin fin » : c’est une allusion aux vêtements des prêtres qui officient au Temple de Jérusalem. On peut comprendre l’allusion : cela ne sert à rien d’être très pieux lorsqu’on est indifférent à la misère des autres. Puisque l’homme riche ignore ou méprise son frère dans le malheur, il n’écoute pas « Moïse et les Prophètes » ; même s’il était prêtre, il ne mériterait donc pas le titre de fils d’Abraham, qu’il revendique, comme tous les Pharisiens.

Jésus va même plus loin : « les chiens venaient lécher les ulcères du pauvre » ; or les chiens sont des animaux impurs, ce qui fait que même si le riche pieux s’était donné la peine de regarder devant son portail, il aurait été horrifié et aurait fui cet homme impur léché par les chiens ! La leçon de Jésus, là encore, s’adresse aux Pharisiens : En étant intransigeants sur la pureté rituelle, vous croyez être des modèles de fidélité à la Loi de Moïse, alors qu’en réalité vous oubliez l’essentiel ! Cet essentiel, la Loi de Moïse précisément et toute la Bible nous le disent, et nous l’entendions encore dans la première lecture il y a quelques instants, cet essentiel c’est de prendre pitié des malheureux. Cet essentiel, qui est la véritable piété, le riche ne l’a ni compris ni pratiqué, et Abraham le lui rappelle : Tu me demandes de ressusciter Lazare pour qu’il aille trouver tes frères, mais « ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent ! »

Je disais à l’instant que Dieu n’est pas mentionné dans cette parabole, mais en réalité il s’y trouve quand même, et c’est même pour cela que le pauvre porte un nom, porte le nom de Lazare. En hébreu, Lazare, ou Eléazar, signifie « Dieu vient en aide ». Dieu vient en aide, est-ce que c’est de l’humour noir, puisque, apparemment, cela tombe sous le sens qu’un clochard aussi miséreux n’a pas été secouru par Dieu ? Eh bien oui : Dieu vient en aide ! Jésus a choisi ce nom de Lazare un peu comme une provocation, mais c’est une réalité, et c’est tout un programme. Dieu vient en aide au pauvre. Et pourquoi lui vient-il en aide ? Serait-ce à cause de sa foi, de sa piété, de ses bonnes actions ? Non, la parabole ne nous dit rien de tout cela : Dieu vient en aide à Lazare simplement parce qu’il est pauvre, Dieu est le défenseur des pauvres.

Même au plus profond de sa misère, le pauvre n’est pas rejeté par Dieu, bien au contraire. Lazare a été secouru par Dieu parce qu’il savait qu’il avait besoin du secours de Dieu. Dieu l’a secouru, totalement, définitivement, et Dieu lui a même donné une place d’honneur à côté d’Abraham ! « Maintenant, lui, il trouve ici la consolation ».

Il y a peut-être là une autre raison pour que Jésus ait donné un nom au pauvre. « Réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux » (Luc 10, 20. cf. Apocalypse 20, 15), disait Jésus à ses disciples : le pauvre a donc reçu un nom qui lui permet d’entrer dans les cieux, alors que le riche, n’ayant pas de nom, ne peut pas figurer pas sur le registre d’entrée.

Lazare se trouve près d’Abraham parce que, dans tout l’Ancien Testament comme dans tout l’Evangile, Dieu est toujours bon pour les pauvres et les faibles. Lazare n’est probablement pas parfait, il est certainement pécheur, mais il a beaucoup souffert, et Dieu ne veut pas que les hommes souffrent.


La rencontre entre Lazare et l’homme riche, qui n’a pas eu lieu devant le portail du riche, la parabole la situe dans le monde des morts, mais ce n’est qu’un prétexte pour enseigner autre chose. La parabole ne concerne pas d’abord ce qui nous attend après la mort, mais elle nous parle de notre vie, ici et maintenant.

Ce que nous demande Jésus, c’est de changer de vie, c’est de ne plus vivre comme si Dieu et notre prochain n’existaient pas, mais d’écouter Moïse et les Prophètes, d’écouter l’Evangile, qui nous exhortent à ne pas fermer les yeux sur les pauvres autour de nous, sur les malheureux que nous pourrions secourir.

Et c’est terriblement sérieux, parce que c’est l’enjeu fondamental de notre vie, et un jour viendra, comme pour l’homme riche, où il sera trop tard pour changer de conduite. Jésus ne cherche pas à nous faire peur en nous montrant le « lieu de torture » où se trouve le riche, il nous invite à ne pas passer à côté de la vie, à ne pas manquer l’essentiel.

Alors, posons-nous la question : Quel cas faisons-nous de la Parole de Dieu dans notre vie ? L’écoutons-nous vraiment ? Ou bien passe-t-elle simplement par nos oreilles sans avoir aucun effet sur notre vie ? Jésus nous invite à changer de vie, et à en changer dès maintenant, parce que c’est maintenant que Dieu nous offre sa grâce, c’est maintenant qu'il faut se convertir à lui. C’est cela, écouter Moïse et les Prophètes, c’est cela vivre de l’Evangile.

Et pour cela, nous pouvons reprendre le nom de Lazare : Dieu vient en aide, en demandant au Seigneur de nous aider à convertir notre cœur. Amen.


 
 
 

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