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Dimanche 7 Septembre 2025 23° Dimanche du Temps Ordinaire. Année C Homélie sur Luc 14, 25-33 « Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple »

« En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit … ». Nous faisons partie, nous, aujourd’hui, des grandes foules qui suivent Jésus, et les paroles de Jésus que nous venons d’entendre, c’est donc à nous qu’elles s’adressent. Or ces paroles, elles sont assez déconcertantes.

Déconcertantes d’abord parce que, contrairement à la douceur qui lui est habituelle, Jésus nous paraît très dur et même cruel, en nous appelant tous à un renoncement radical : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie … Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite … Celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple ».

Déconcertantes ensuite parce que, au milieu de ces déclarations si abruptes, Jésus introduit deux images dont nous ne voyons pas bien ce qu’elles viennent faire ici : les images de l’homme qui veut bâtir une tour et du roi qui part en guerre.



« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants … » : est-ce que Jésus contredirait les Dix Commandements, qui prescrivent « Tu honoreras ton père et ta mère » (Exode 20, 12) ? Non, bien sûr. Il ne s’agit pas d’une contradiction, il s’agit d’un paradoxe, c’est-à-dire d’une formule-choc destinée à frapper l’esprit des auditeurs, pour souligner l’importance de ce dont il s’agit. Jésus emploie volontiers de tels paradoxes, nous le savons bien : « heureux les pauvres … heureux ceux qui pleurent … heureux ceux qui sont persécutés » (Matthieu 5, 3.4.10), « celui qui veut sauver sa vie la perdra » (Matthieu 16, 25), « celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur » (Matthieu 20, 26), etc.

« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple ». Jésus veut nous dire que l’attachement à notre famille et à notre vie, il est bon, mais il existe un autre attachement qui doit avoir la première place en nous : l’attachement à Jésus doit l’emporter sur tous les autres. Pour nous, le lien qui nous unit à Jésus depuis notre baptême est plus fort que tout autre lien terrestre. Et donc, a fortiori, ce lien est plus fort que toutes nos possessions matérielles : « Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple ». Il s’agit de nous laisser détacher de tout ce qui dans notre cœur occupe la première place, qui est la place qui doit revenir à Dieu seul.

Jésus ne nous cache pas que cet attachement prioritaire à lui peut nous devenir très coûteux, très lourd à porter : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple ».

Par ces formules paradoxales, Jésus veut nous dire la nécessité, pour qui veut le suivre, d’adopter un comportement qui va bien au-delà de ce qu’on appelle le bon sens. Il nous dit d’entrer dans la logique de Dieu qui va plus loin que la logique simplement humaine, « car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins, – oracle du Seigneur » (Isaïe 55, 8).


Au milieu de ces paradoxes, Jésus place deux petites paraboles : celle de l’homme qui veut bâtir une tour et celle du roi qui part en guerre. Leur leçon, qui est la même, est facile à comprendre : quand on veut se lancer dans une entreprise, il faut commencer par faire ses comptes pour calculer si on en a les moyens. C’est une sagesse élémentaire, dans tous les domaines, que d’ajuster nos ambitions au niveau de nos moyens.

Ces deux petites paraboles n’arrivent pas de façon incongrue au milieu des directives sévères de Jésus, mais au contraire elles viennent les éclairer.

Elles signifient : « Avant de vous lancer à ma suite, faites bien vos comptes ! » Celui qui veut bâtir une tour en calcule le prix de revient, celui qui veut partir en guerre évalue ses forces en hommes et en armement … et celui qui veut s’engager à la suite de Jésus doit aussi faire ses comptes, mais ce ne sont pas les mêmes ! Est-il prêt à prendre tous les moyens nécessaires pour marcher à la suite de Jésus ? Est-il prêt à mettre au service du Royaume de Dieu ses richesses de toute sorte, y compris affectives et matérielles ? Est-il prêt à renoncer à toutes ces richesses au cas où elles l’entraveraient dans cette marche à la suite de Jésus ? « Faites bien vos comptes ! » dit Jésus, mais ce sont des comptes étranges : moins on possède, plus on est sûr de réussir !


C’est là encore un paradoxe, puisque la logique de Dieu est une logique paradoxale : pour s’engager à la suite de Jésus, il faut le préférer à tout, et donc être prêts à quitter pour lui nos sécurités affectives et matérielles ; moins on possède, plus on est sûr de réussir ! Pour un disciple de Jésus, la vraie sagesse c’est de ne compter sur aucune de nos sécurités de la terre. Jésus nous dit, comme à saint Paul : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12, 9).

La sagesse de Dieu n’est pas celle des hommes : plus on compte sur Jésus dans un abandon et une confiance totale, plus on est fort de sa force ; plus on est pauvre de soi, plus on est riche de Jésus ; plus on lui fait de place dans notre cœur, plus on permet à sa grâce d’agir en nous.

C’est un paradoxe, mais c’est finalement logique. Pour être cohérent avec lui-même, un chrétien ne peut pas chercher les compromis, ne peut pas partager son cœur ; s’il veut donner dans son cœur la première place à Jésus, il doit renoncer à la donner en même temps à ses possessions. C’est ainsi qu’il laissera en lui le champ libre à l’amour et à la grâce de Dieu.


« Avant de vous lancer à ma suite, faites bien vos comptes ! nous dit Jésus. Je vous réclame la mesure pleine et entière de votre cœur. Si vous ne me donnez qu’une demi-mesure de votre cœur, en gardant l’autre demi-mesure pour vous, pour vos richesses affectives et matérielles, vous n’aurez pas les moyens de marcher à ma suite, comme l’homme qui n’aurait qu’une demi-mesure de briques n’aura pas les moyens de construire sa tour ». En arithmétique, une demi-mesure plus une demi-mesure, cela fait une mesure pleine ; dans la vie chrétienne, la somme de deux demi-mesures donne la tiédeur et la médiocrité comme résultat. C’est la mise en garde que l’Apocalypse adresse à l’église de Laodicée : « Puisque tu es tiède – ni brûlant ni froid – je vais te vomir de ma bouche » (Apocalypse 3, 16).

« Avant de vous lancer à ma suite, faites bien vos comptes ! nous dit Jésus. S’engager à ma suite n'est pas fait pour ceux qui sont superficiels ou irréfléchis, parce qu’il faut calculer et réfléchir, il faut voir et accepter de prendre les moyens de me suivre jusqu’au bout ».

« Avant de vous lancer à ma suite, faites bien vos comptes ! » nous dit Jésus. Tous les saints ont fait leurs comptes de cette façon, et ils ont su donner à Jésus la mesure pleine et entière de leur cœur.

Le détachement auquel Jésus nous appelle : « son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs … tout ce qui lui appartient », ce n’est pas forcément un dépouillement total, mais c’est renoncer à nos affections en ce qu’elles ont d’exclusif, c’est ne pas accepter que nos affections même légitimes puissent faire concurrence dans notre cœur à l’amour de Jésus ; il s’agit en réalité de nous libérer de notre attachement à nous-mêmes.

Le détachement de nos biens est le préalable au don total de nous-mêmes, ce don total auquel Jésus nous demande d’être prêts : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple ». Suivre Jésus, cela signifie vouloir ressembler à Jésus, vouloir nous unir à Jésus ; l’amour de Jésus pour nous l’a conduit à la Croix, et notre amour pour Jésus nous configurera à lui. Porter notre croix, cela ne signifie pas renoncer au bonheur, mais c’est choisir de nous attacher à Jésus en marchant librement à sa suite, avec toutes les exigences que cela comporte d’aimer à sa manière. Si nous marchons à la suite de Jésus, notre croix est une part de la Croix de Jésus, et nous ne sommes pas seuls, Jésus est là pour la porter avec nous et c’est sa grâce qui agira en nous.



« En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit … ». Nous faisons partie, nous, aujourd’hui, des grandes foules qui suivent Jésus et qui reçoivent ses paroles. Jésus nous appelle à devenir ses disciples en nous engageant à sa suite, de façon réfléchie et responsable. Jésus nous demande de le suivre en entrant dans la logique de Dieu, cette logique paradoxale, qui a pour sommet la Croix, c’est vrai (« Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple »), mais qui a pour issue la Résurrection : la suite de Jésus, c’est à la vie, à la vraie vie, qu’elle nous conduit.

 
 
 

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