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Dimanche 31 Août 2025 22° Dimanche du Temps Ordinaire. Année C Homélie sur Luc 14, 1.7-14 « Ne vas pas t’installer à la première place … »

« Un jour de sabbat, Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas, et ces derniers l’observaient ». Saint Luc nous rapporte trois occasions où Jésus est invité à déjeuner chez des pharisiens, et à chaque fois cela se passe mal : Jésus en fait exprès de choquer tout le monde.

La première fois (Luc 7, 36-50), une femme de mauvaise réputation arrive et vient se jeter aux pieds de Jésus, et Jésus la donne en exemple à tous. La seconde fois (Luc 11, 37-54), Jésus ne s’est pas lavé les mains avant de commencer le repas, et la discussion tourne très vite au vinaigre.

Aujourd’hui, Jésus critique : il critique d’abord l’attitude des invités, qui recherchent les places les plus honorables, puis celle du maître de maison, qui n’a invité que les gens de son milieu, de sa caste.

Est-ce que Jésus cherche délibérément à choquer les gens, et à se les mettre à dos ? Les pharisiens « l’observaient », dit l’Evangile, c’est-à-dire qu’ils s’attendaient à ce que Jésus fasse ou dise quelque chose de significatif … et Jésus ne va pas les décevoir ! Les pharisiens se croient des gens religieux et irréprochables, et Jésus va leur mettre brutalement sous les yeux les incohérences de leur comportement, non pas pour les condamner, mais pour leur ouvrir les yeux, pour leur montrer qu’ils font fausse route.



« Quand quelqu’un t’invite à des noces, ne va pas t’installer à la première place, de peur qu’il ait invité un autre plus considéré que toi ».

Ce que Jésus dit là, cela ressemble à un principe de savoir-vivre, bien sûr, mais cela va beaucoup plus loin, cela concerne le Royaume de Dieu : c’est à appliquer à aussi bien dans notre attitude envers Dieu qu’envers nos frères. Parce que rechercher les premières places, cela nous arrive à tous. Je sais bien qu’à la messe certaines personnes affectionnent les dernières places, les bancs du fond … mais je ne sais pas s’il y en a beaucoup qui en feraient autant devant la caisse du supermarché !

Dans la Bible, le festin ou le repas de noce est une image classique qui désigne le Royaume de Dieu. Jésus lui aussi reprend ce symbolisme, pour nous dire aujourd’hui que dans ce festin le protocole qui prévaut ce n’est pas l’importance des personnalités invitées, mais c’est le cérémonial de l’humilité. Chacun de nous est invité à la table de Dieu, et ce qui est important n’est pas d’être ni en avant ni en arrière, mais d’être à la place que Dieu a préparée pour nous, c’est de recevoir notre place de Dieu et non de nous attribuer à nous-même la place que croyons avoir méritée – comme si nous méritions quelque chose !

Nous sommes invités à la table de Dieu, mais Dieu n’a pas mis sur sa table des petits cartons avec les noms, ni pour les autres ni pour nous. Il y a des places réservées, Jésus lui-même nous l’a dit : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? » (Jean 14,2). Il y a des places réservées pour ceux dont la vie tout entière est une réponse d’amour à l’invitation de Dieu, et il y a aussi des places réservées pour nous, mais nous ne les connaissons pas encore ; alors, en attendant que Dieu lui-même vienne nous les indiquer, allons prendre humblement la dernière place.

Pourquoi vouloir prendre la dernière place ? Pour imiter Jésus. Saint Paul l’écrit aux Philippiens : « Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix » (Philippiens 2, 5-8). En Jésus, Dieu lui-même a pris la dernière place, et c’est précisément l’humilité de Jésus qui nous révèle l’amour de Dieu pour nous. C’est donc par notre humilité que nous imiterons Jésus et que nous témoignerons de notre amour pour Dieu et pour nos frères.

La dernière place, pour nous, cela ne désigne pas forcément un endroit précis, cela désigne plutôt une attitude à avoir, l’attitude du service, à l’image de Jésus qui « n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Matthieu 20, 28). L’enjeu de l’humilité n’est pas la place que nous occupons à une table, mais la place que nous donnons à Dieu et à nos frères dans notre vie.



« Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères … invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles … »

Jésus ne veut pas nous interdire par là d’aimer notre famille et nos amis : ce qu’il n’accepte pas, c’est que nos proches soient toujours nos relations prioritaires ou exclusives. Il nous appelle à sortir de notre logique de « donnant-donnant », à sortir de notre cercle fermé pour nous faire aller vers les exclus.

Pourquoi nous tourner vers les pauvres, les mal-aimés, les laissés-pour-compte ? Là encore il s’agit d’imiter Jésus, Jésus qui nous appelle au festin du Royaume, nous qui sommes pauvres, estropiés, boiteux, aveugles… Pauvres d’argent ou d’amitié ; estropiés et blessés par la vie, gardant les cicatrices de notre passé ; boiteux qui n’allons vers Dieu que clopin-clopant ; aveugles qui croyons voir alors que nous tâtonnons dans notre recherche de Dieu.

Au festin du Royaume, Dieu nous appelle par pure gratuité ; non pas parce que nous aurions payé ou mérité l’invitation, non pas parce que nous pourrions lui rendre quelque chose, mais simplement par grâce, parce qu’il nous aime.

Inviter « des estropiés, des boiteux, des aveugles » sans rien attendre en retour, c'est aimer comme Dieu seul sait le faire. Donner sans attendre le moindre signe de reconnaissance, parce qu'on se réjouit simplement d'avoir pu apaiser la faim et la soif de quelques-uns, c'est vivre dans l'Esprit de Dieu. L'amour véritable ne calcule pas, l'amour « ne cherche pas son intérêt » (1 Corinthiens 13, 5), il aime Dieu gratuitement sans rien attendre d'autre que d'aimer toujours de plus en plus, et il aime les hommes gratuitement, pour eux-mêmes, sans attendre de remerciement.

N’oublions pas que nous-mêmes, devant Dieu, nous sommes pauvres et pécheurs. C’est pour nous le rappeler que chaque messe s’ouvre par un rite pénitentiel qui nous permet de nous remettre devant la réalité de notre cœur : le « Je confesse à Dieu », ou bien la formule : « Seigneur, accorde-nous ton pardon – Nous avons péché contre toi - Montre-nous ta miséricorde – Et nous serons sauvés ». Nous ne venons pas à la messe faire une faveur à Dieu, nous venons nous reconnaître pécheurs et implorer sa grâce parce que nous savons qu’Il vient vers celui qui est pécheur, qu’il répond à celui qui le supplie ; nous venons implorer sa grâce et l’en remercier. Notre disposition à nous reconnaître « pauvres, estropiés, boiteux ou aveugles » devant Dieu, ouvre nos cœurs pour que nous puissions à notre tour imiter le Seigneur qui nous aime et qui nous invite sans mérite de notre part, pour que nous puissions nous aussi aimer et inviter gratuitement ceux qui nous entourent, surtout les plus démunis, les aimer et les inviter tels qu'ils sont.



Jésus nous appelle aujourd’hui à ouvrir nos yeux et notre cœur, et à agir en conséquence. Comment vivons-nous ces deux conseils de Jésus : nous mettre à la dernière place, et nous mettre au service de nos frères, surtout des plus démunis ?

Quand Jésus nous propose la dernière place, il ne nous demande pas de nous déprécier, d’être des nuls, de nous laisser marcher sur les pieds, de rechercher la médiocrité : il veut simplement que nous ayons assez d’humilité pour ne pas prendre la place des autres, pour savoir reconnaître que notre prochain est quelqu’un d’important. Jésus nous demande par là de l’imiter, parce qu’il veut nous attirer tout près de lui, de lui qui a choisi la dernière place.

Quand Jésus nous demande d’avoir un cœur attentif pour rendre service aux plus petits, sans rien attendre en retour, il veut faire grandir notre capacité d’amour. Il nous demande par là de le suivre et de lui ressembler, à lui qui s’est fait le serviteur de tous et qui témoigne sa préférence pour ceux que le monde délaisse.

Choisir la dernière place, nous mettre au service des autres, c’est souvent prendre le contre-pied des attitudes qui ont cours autour de nous : le critère de grandeur dans le Royaume des cieux, c’est souvent l’inverse du critère de grandeur dans notre monde. Jésus nous invite donc à un bouleversement ; pour suivre Jésus, nous n'avons pas nécessairement à bouleverser notre vie, mais nous avons certainement à bouleverser notre cœur. Bouleverser notre cœur, pour mériter un jour d’entendre le Seigneur nous dire : « Mon ami, avance plus haut ».

 
 
 

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