Dimanche 1° Décembre 2024 - 1° Dimanche de l’ Avent Année C
- benedictinesflee
- 17 mars
- 7 min de lecture
Homélie sur Luc 21, 25-28.34-36
« Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde »
Frères et sœurs, les plus attentifs parmi vous sont peut-être en train de se dire qu’on a déjà entendu ce texte d’Evangile il y a deux semaines. De fait, c’était un texte assez semblable, mais pas tout à fait le même. En effet, vous savez qu’aujourd’hui, premier dimanche de l’Avent, nous entrons dans une nouvelle année liturgique. C’est comme ça dans l’Eglise : nous ne changeons pas d’année au 1° janvier mais au 1° dimanche de l’Avent. Il y a des gens qui disent que l’Eglise est toujours en retard, mais vous voyez que ce n’est pas vrai : nous sommes au contraire en avance, en avance sur le changement d’année, comme en avance aussi sur bien d’autres sujets. Et en changeant d’année liturgique nous changeons aussi d’évangéliste : pendant l’année qui vient de s’écouler nous avons lu l’Evangile selon saint Marc, et cette année qui commence nous allons lire l’Evangile selon saint Luc.
Si vous avez l’impression d’avoir déjà entendu ce passage d’Evangile, c’est parce qu’il y a deux semaines nous l’avons lu en saint Marc et aujourd’hui nous le lisons en saint Luc. Alors c’est vrai que bien des éléments se retrouvent ; et après tout c’est très bien comme ça, parce que c’est un passage difficile à comprendre et que le temps d’une homélie ne peut pas suffire pour bien l’expliquer. Y revenir aujourd’hui, cela nous permet de passer une seconde couche sur la première qui bien sûr n’avait pas couvert totalement le sujet !
Je remarque d’abord que cet Evangile est tout à fait d’actualité. Il suffit de retirer quelques mots du texte, et on pourrait penser qu’il a été écrit pour notre époque. « Sur terre, les nations seront affolées et désemparées ... Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde ». A toutes les époques, il y a des croquemitaines qui se font un plaisir d’épouvanter les gens en annonçant des catastrophes. Les Témoins de Jéhovah se sont fait une spécialité d’annoncer régulièrement la fin du monde, toujours pour une date proche et bien précise. Leurs émules d’aujourd’hui, en espérant se rendre plus crédibles, emploient des arguments d’allure scientifique, que nous rencontrons à chaque page de nos journaux : pandémie, réchauffement climatique, Greta, Poutine, Cop 29, etc.
Mais aujourd’hui c’est Jésus lui-même qui nous annonce ce genre d’événements dramatiques : « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots. Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées ».
Jésus ferait-il donc partie de la bande des croquemitaines et des prophètes de malheur ? Comment est-il possible de trouver dans ces paroles de Jésus quelque chose qui puisse nous aider à vivre notre foi aujourd’hui ?
Si nous relisons les paroles de Jésus, nous découvrons qu’elles n’ont rien à voir avec les élucubrations des prophètes de malheur, mais qu’elles sont au contraire une invitation étonnante à l’espérance. Jésus commence, c’est vrai par la description extrêmement sombre d’un certain nombre d’événements pas particulièrement réjouissants, mais il ajoute aussitôt : « Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire ». Le Fils de l’Homme, c’est l’envoyé de Dieu, c’est Jésus qui s’attribue souvent ce titre dans l’Évangile. Cela, c’est extraordinaire : c’est au moment où ça ira le plus mal que Jésus promet de venir nous visiter. Les difficultés ne repoussent pas le Seigneur, elles ne l’effraient pas, je dirai même que c’est tout le contraire, et on en a la preuve dans toute l’histoire du Peuple de Dieu.
Regardons l’Histoire Sainte : c’est quand le peuple vit l’épreuve de la servitude en Égypte que Dieu intervient en envoyant Moïse pour le libérer. C’est au moment de ses grands désastres et de l’exil à Babylone que Dieu intervient en envoyant les plus grands prophètes. C’est quand il connaît une nouvelle crise qui met encore en jeu sa survie que Dieu intervient en envoyant Judas Maccabée et ses frères (ce sont les textes que nous avons lu à la messe en semaine ces derniers temps). Et enfin, c’est quand il vit sous le joug de l’occupation romaine que Dieu intervient en envoyant son propre Fils.
Les difficultés que vit le peuple qu’il s’est choisi ne repoussent pas Dieu, ces difficultés ne l’effraient pas, au contraire, elles l’attirent. C’est précisément dans ces moments les plus compliqués que Dieu intervient de la manière la plus visible, la plus forte. On comprend donc l’annonce de Jésus : quand les catastrophes arriveront, « alors on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire ». Jésus nous invite à l’espérance en nous renvoyant à la fidélité de Dieu qui, tout au long de l’histoire, n’a jamais été prise en défaut. Dieu a toujours été présent aux côtés des hommes quand ils étaient confrontés aux pires épreuves. Eh bien, aujourd’hui, il n’y a pas de raison pour que ça change, Dieu est fidèle.
Les catastrophes que Jésus énumère, elles sont une façon imagée de désigner … de désigner quoi, au fait ? Elles peuvent désigner la fin du monde, qui se produira bien un jour ou l’autre ; ou bien désigner la fin d’un monde : guerre, révolution, persécution, épidémie, catastrophe naturelle ; ou bien désigner l’écroulement de notre petit monde personnel : échec professionnel, déception sentimentale, humiliation, problème de santé, etc., notre petit monde à nous devra forcément s’écrouler un jour ou l’autre – ne serait-ce qu’à notre mort.
Et tout cela, Jésus ne dit pas qu’il nous en délivre mais il nous dit comment l’affronter, comment traverser épreuves et catastrophes.
Face aux épreuves et aux catastrophes, il n’y a que deux attitudes possibles.
D’abord celle des hommes qui s’affolent et se laissent emporter par les événements : « Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde ».
Et ensuite celle des disciples de Jésus, à qui il donne des consignes d’espérance : « Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste comme un filet ; il s’abattra, en effet, sur tous les habitants de la terre entière. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme ». Ce que Jésus nous demande, c’est de nous préparer à sa venue, pour nous trouver « debout » devant lui lorsqu’il viendra ; et pour cela les consignes sont : « redressez-vous … relevez la tête … tenez-vous sur vos gardes … que votre cœur ne s’alourdisse pas dans les débauches et les soucis de la vie … restez éveillés … priez ».
Si l’Eglise nous fait entendre ce passage d’Evangile au début de l’Avent, c’est pour nous ramener à l’essentiel, pour que nous ne risquions pas d’oublier ce qui est le plus important. Posons-nous la question : la venue de Jésus, est-ce que c’est vraiment la grande préoccupation de notre cœur ? Nous y croyons, bien sûr, nous le proclamons chaque dimanche dans le Credo (« Il reviendra dans la gloire ») et dans la prière eucharistique (« nous attendons ta venue dans la gloire »). Et pourtant, nous vivons souvent comme si ce n’était qu’une façon de parler, comme si Jésus ne devait jamais venir.
Parce que la vie est tellement pleine d’occupations, d’urgences, de souffrances, de vacarme, de complications, nous avons tellement de soucis, que c’est une aubaine pour le démon, qui veille à ce que notre vie sur-occupée et angoissée nous fasse oublier que la première urgence c’est de nous préparer à la venue de Jésus. Voilà pourquoi l’Eglise nous fait donc réentendre aujourd’hui ce passage d’Evangile.
« Redressez-vous », dit Jésus, pour tourner votre regard vers le Ciel, « relevez la tête » au lieu de garder les yeux fixés sur les réalités d’ici-bas, « tenez-vous sur vos gardes » et ne vous laissez pas bercer d’illusions par ce monde qui passe, « que votre cœur ne s’alourdisse pas dans les débauches et les soucis de la vie » quand vous vous habituez à trouver votre bonheur seulement dans la recherche des biens terrestres, « restez éveillés » au lieu de vous engourdir, et « priez » parce que ce n’est pas en vous-mêmes mais en Dieu que vous trouverez la force de traverser les épreuves et les catastrophes sans vous laisser ébranler.
C’est en Jésus seul que nous pouvons espérer trouver le salut et la paix, pas seulement pour la fin des temps, mais déjà à travers toutes les difficultés de notre vie d’aujourd’hui.
La première lecture que nous entendions à il y a quelques instants, nous donne elle aussi le même grand message d’espérance, mais d’une façon différente. Et c’est d’autant plus remarquable qu’elle est tirée du prophète Jérémie qui est pourtant un pleurnicheur professionnel – nous connaissons ses jérémiades. « Voici venir des jours – oracle du Seigneur – où j’accomplirai la parole de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda : En ces jours-là, en ce temps-là, je ferai germer pour David un Germe de justice … En ces jours-là, Juda sera sauvé, Jérusalem habitera en sécurité … »
Au milieu de toutes les calamités que traversait le peuple juif, au milieu de toutes les lamentations de Jérémie sur le malheur des temps, voilà qu’il annonce le bonheur ! « Voici venir des jours – oracle du Seigneur – où j’accomplirai la parole de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël ».
Et il ajoute : « Je ferai germer pour David un Germe de justice ». « Un germe de justice », c’est-à-dire que Dieu vient effectivement à nous pour nous accompagner pendant les épreuves que nous traversons, mais ce qu’il nous donne ce n’est pas du tout cuit, c’est un germe et pas une plante toute faite, toute grande, toute finie. Notre salut, Dieu nous l’envoie en germe, et c’est à nous de planter ce germe, de le faire pousser et d’en prendre soin, parce que c’est une plante merveilleuse mais particulièrement fragile.
La « parole de bonheur » qu’annonce Jérémie, elle s’accomplira quand nous saurons faire pousser ce germe. Et comment le faire pousser ? En revenant aux consignes de Jésus : « redressez-vous … relevez la tête … tenez-vous sur vos gardes … que votre cœur ne s’alourdisse pas dans les débauches et les soucis de la vie … restez éveillés … priez ».
La bonne nouvelle de ce premier dimanche de l’Avent, c’est que Jésus vient à nous, qu’il vient à nous particulièrement au milieu des catastrophes et des épreuves, grandes ou petites, et qu’il vient à nous aussi au milieu des événements de notre vie, et que le bonheur annoncé par Jérémie consiste à nous trouver « debout » pour savoir reconnaître Jésus et l’accueillir. Alors, écoutons cet appel à sortir de notre engourdissement pour raviver notre attente de la venue de Jésus : : « redressez-vous … relevez la tête … restez éveillés … priez ».
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